« N’est pas mort ce qui à jamais dort, / Et dans les ères peut mourir même la Mort »
– Livre de Lorgar, « Des Dieux à l’aube de l’Humanité », Epîtres Proto-Technologiques de Terra, CXXXVI-CXLII –
Xaphen, tantôt Apôtre, tantôt Sorcier, toujours démoniaque
Xaphen, de dos, avec son paquetage aimanté
Un Dreadnought possédé, joué en tant que Decimator
Escouade Ekh-Tan, combi-plasma et auto-canon (count as gatling)
Possédés majeurs et Champion possédé
Autres Possédés et Porte-Icône de Slaanesh
Les battements du second cœur répondirent en écho à ceux du premier. Il reprenait doucement conscience de son corps, de son esprit, et du temps écoulé, parsemé d’images oniriques qu’il ne parvenait à saisir distinctement, depuis que la lance lui avait transpercé la poitrine. Mais le Custodien n’était plus là, et le silence de l’atmosphère glaciale qui l’entourait contrastait avec les bruits de bataille dans les vents brûlants d’Istvaan V.
Il sentait le froid de la pierre lisse sur laquelle reposait son corps nu, réchauffé par un liquide poisseux qui regorgeait de vie. Du sang, assurément, humectait ses lèvres, ses papilles et stimulait tous les pores de sa peau. Le liquide n’avait pas le goût prononcé des modifications génétiques d’un Astartes, mais une douce saveur empreinte de l’essence-même de l’Immaterium.
Xaphen parvint enfin à ouvrir les yeux, pour se retrouver face à un corps humain tressautant des derniers instants de la vie. Il percevait les orifices soigneusement percés par lesquels s’écoulait le fluide nourricier, ainsi que les lourds crochets plantés dans le dos et les membres, reliés à des chaînes qui se perdaient dans les profondeurs indicibles d’une voûte cyclopéenne. Ses muscles ankylosés refusaient encore de bouger mais ses yeux s’émerveillaient de la splendeur d’une cathédrale qui dépassait les œuvres les plus zélotes de Khur ou de Colchis : une architecture grandiose, soutenue par d’impressionnantes colonnes couvertes de fresques, de runes et de parchemins enluminés dont même l’Empereur n’eut pu rêver.
Dès que son regard se posa sur la silhouette immense qui l’observait calmement, un sourire éclaira son visage. Tant l’aura que l’apparence de son Primarque révélaient à présent sa véritable nature de fils de Dieu, plus qu’il ne l’avait jamais été sous l’égide de l’usurpateur qui l’avait humilié à Monarchia.
– « L’Ange Véritable qui est en toi est affaibli, mon fils, mais il est toujours là. C’est lui qui m’a permis de te retrouver. Aujourd’hui, j’ai plus que jamais besoin de vous, mes Bénis parmi les Bénis ».
Xaphen sentait la présence diffuse de l’être qui partageait son corps se raffermir au fur et à mesure où son organisme absorbait le sang du psyker, se presser autour de chacun de ses os, reprenant possession de ses organes, plus lentement qu’à leur rencontre mais d’une manière tout aussi tangible. Il pouvait presque percevoir la signification de son murmure guttural, lancinant dans les recoins de son esprit.
Les yeux du Chapelain se perdirent dans ceux de son maître, et il y découvrit la signification de ses rêves, une histoire dont les pièces s’emboîtaient subitement, relatant la bataille de Terra, la mort d’Horus et celle de l’Empereur, la fin du Gal Vorbak qui entra définitivement dans la légende à la disparition de son fondateur. Argel Tal, capitaine et ami, avait été sacrifié au bon vouloir d’Erebus en faveur d’une légion décérébrée qui n’avait pour d’autres fins que la destruction et le meurtre.
Revenu d’entre les morts pour la seconde fois, Xaphen quitta le Templum Inficio avec une mission dont même le Conseil Noir ne pourrait l’écarter.
– « Coryphaus Nasrov au rapport, mon commandant ! »
L’attention de Xaphen se détourna de l’Immaterium qu’il contemplait à travers la baie d’embarquement de la station spatiale en orbite autour de Sicarus. Il pressentait que son absence, dans l’espace matériel qui allait bientôt l’entourer, deviendrait vite un manque qui ne serait pas toujours facile à combler.
* Te souviens-tu de notre rencontre, de la première fois où tu as accepté de t’exposer à la Vérité Primordiale ? *
L’Astartes en armure Terminator qui se tenait face à lui, et précédait les centaines de légionnaires alignés en bon ordre, était un vétéran expérimenté. De simple soldat aux ordres de Kor Phaeron à l’époque du Pèlerinage, il s’était affranchi de la Première Compagnie de son Chapitre après la bataille de Terra. Ses états de service étaient excellents, mais il semblerait qu’au fil du temps, une inimitié réciproque se soit installée entre lui et le Maître de la Foi. Ce qui était plutôt un point positif …
En admirant les colonnes d’armures écarlates, Xaphen ne put s’empêcher de s’attarder sur quelques escouades d’assaut gardées à l’écart. Ces soldats semblaient absents, comme coupés du monde. Et il se sentait étrangement proche d’eux.
* Ils sont presque comme nous, mais sont allés plus loin. Leur conscience vit dans l’Immaterium. Seul leur corps les relie encore au monde physique. *
– « Où en sommes-nous exactement, Capitaine ? Les délais des procédures d’embarquement ont-ils été respectés ? »
– « Affirmatif, Monsieur. L’Ost des Serrated Flames est prêt à embarquer. Prêtres et Magi du Mechanicum Noir, ainsi que l’équipage, sont en poste et rapportent que le Cyrene’s Lament est pleinement opérationnel. L’Apôtre Erebus vous attend dans les quartiers de la Fraternité pour finaliser les affectations. »
A l’exception de cette dernière remarque, les paroles du Coryphaus correspondaient aux attentes de Xaphen. Mais il fallait en découdre une dernière fois avec Erebus qui devait, non seulement, et comme à son habitude, poursuivre ses propres objectifs, fussent-ils éloignés de l’essence primordiale de la Foi, mais représentait également l’organe du pouvoir régulier, le Conseil Noir, qui s’érigeait en guide du Culte cloîtré dans sa tour d’ivoire, plutôt que de venir transmettre la Parole en première ligne.
– « Les Temples et Bibliothèques du niveau deux manquent-ils encore de ressources ? Qu’en est-il des chambres de suppliants du niveau cinq ? »
– « Les frères-sorciers Jaxien et Ekhton affirment que tout est en ordre, en qualité et quantité suffisante pour notre expédition. Les rituels préliminaires de contact avec les Anges et de liaison entre les premiers suppliants et les systèmes du Croiseur ont été effectués. »
– « Bien. Merci pour ce rapport, Capitaine. Nous nous reverrons lors de la Cérémonie Inaugurale. »
Le croiseur léger de classe « Hellbringer » était capable de transporter l’Ost entier, des milliers de personnes et de serviteurs, une division blindée complète, des appareils volants, les machines démoniaques du Mechanicum et le matériel dédié à la colonisation. Le vaisseau de tonnage idéal pour l’intervention rapide à tout endroit de l’univers, là où les prières de la Fraternité le mèneront. Il ne décollerait pas à pleine capacité, mais recrutera des fidèles, humains, technoprêtres ou Astartes, en chemin. Et là où il débarquera, il sèmera les germes de la Foi Véritable afin qu’elle s’y développe et y perdure.
Erebus l’attendait, faisant temporairement siens les quartiers de l’Apôtre Noir du Croiseur. Xaphen n’en escomptait pas moins, mais réprima difficilement un rictus de colère mêlée de dédain envers celui qui s’était invité sur son propre siège.
– « Vous auriez pu patienter avant de réunir la Fraternité de notre Ost, Erebus. »
– « Il ne manquait que vous, Xaphen. J’ai cru bon de ne pas faire patienter vos subordonnés trop longtemps. »
* Quand nous serons rétablis, nous le tuerons, ensemble, en souvenir de nos frères sacrifiés. *
– « Nous étions en prières. Et vous le saviez pertinemment. »
– « Vous deviez également attendre que votre armure soit prête, je suppose ? Avec des parties Anthracite ? Votre nostalgie vous égare, frère. Cette couleur n’est plus celle de la Légion, aujourd’hui. Nous sommes Ecarlates, et nous le resteront. »
L’expression figée de Xaphen se détendit subitement. Il ne voulait pas que ce conflit perturbe ses hommes, et savait que sa réponse allait clore le débat.
– « Quoique vous en pensiez, Erebus, nous ne dépendons pas du Conseil Noir. Nous tenons notre ordre de mission de Lorgar lui-même, et c’est à lui que nous devrons rendre des comptes le moment venu. Vous n’êtes ici que pour nous présenter notre Premier Acolyte, la seule affectation que notre Père autorise au Conseil Noir pour cette expédition. Procédez rapidement, afin que nous puissions appareiller dans les délais convenus. »
Une grimace fugace parcourut le visage d’Erebus, qui se leva et appela auprès de lui un des membres de l’assemblée.
– « Vous avez raison, mon frère. Je vous présente donc l’Apôtre Noir Athaneus, qui se fera un plaisir de vous servir et de répondre à tous vos besoins. En échange, vous le formerez, afin qu’il puisse briguer de plus hautes responsabilités à son retour. »
* Ou nous servirons son âme en pâture à nos frères de l’Immaterium *
Xaphen acquiesça et regarda Erebus partir sans un mot. A l’époque, la Légion était parvenue à ses fins en trompant la vigilance d’une vingtaine de Custodiens. L’œil de la Basilique de la Parole, qui avait tout du sycophante de bas étage, faisait bien pâle figure en comparaison. Les autres Apôtres Noirs de la Fraternité avaient été choisis en prévision de cette éventualité.
Leur nouveau voyage allait pouvoir débuter. Ils allaient soutenir la Treizième Croisade Noire d’Abaddon, en recrutant des fidèles et des artefacts sacrés pour, cette fois, œuvrer à l’établissement de la Véritable Foi à long terme sur les mondes conquis.
Et ils mèneront de concert les Serrated Flames sur un chemin initiatique que le Serrated Sun a déjà parcouru par le passé. Le Gal Vorbak renaîtra de ses cendres, guidant la Légion vers les principes originels de l’essence divine, avec Argel Tal à sa tête.
Car ils en étaient la preuve vivante : tout qui n’est, même partiellement, jamais né ne peut jamais vraiment mourir …
Ce texte a été, à l’origine, publié sur le forum Black Librarium, sous le titre [Portrait de Xaphen] Retour aux sources, dans le cadre d’un concours de nouvelles à propos d’un personnage au choix de l’univers de Warhammer 40000. Il avait, globalement, été bien accueilli, même si le retour d’un personnage décédé semblait, à l’époque, un peu trop tiré par les cheveux (c’était un peu avant la sortie de « Vulkan », qui a remis un peu tout ça en question).