En vue de l’Opus 1

Entrée n°2 sur 3 de la série Pirates

  • [Langue : Verez]
  • « Arsil, 15 4999 – Il fait froid et humide. Le roulis me retourne l’estomac depuis plusieurs heures déjà. Une mer paisible peut décidément se révéler la pire des traîtresses. Je ne veux néanmoins me plaindre de ma situation : embarquer à bord de la Mandale était la décision la plus cohérente, celle qui, à long terme, me permettra d’oublier, de voyager, de comparer ce que m’ont appris professeurs et livres à la réalité du terrain de mes futures découvertes. « La carte n’est pas le territoire », répétait inlassablement mon mentor Anton Karbizok en ajustant ses boutons de manchette. Me savoir en pareille infortune, mais avec tant de possibilités à portée de main, aurait potentiellement pu le faire sourire.
  • Velasquez, le médecin, est bien le seul à éviter toute raillerie en ma présence, par bonté ou timidité excessive, probablement, à moins que cela ne soit dû à notre enrôlement simultané, il y a quelques jours à peine. D’aucuns considèreraient ces marques de compassion typiquement Verez comme salvatrices dans un environnement de prime abord plutôt hostile, mais sa voix ne fait que contribuer à ma désorientation présente. Un peu de sommeil me fera du bien. Mon compas indique qu’en m’allongeant simplement, ma tête serait tournée vers l’ouest. Pour autant qu’on ne vire pas de bord, et que tout ce qui devait sortir de mon corps soit déjà dans ce seau, je m’attends donc à passer un peu plus des deux prochains battements en récupération. »
    […]
  • « Pater, 24 4999 – Al-Cool Jack et Jacob sont vraiment les maîtres d’armes idéaux. Lors de l’abordage mené par la Mandale la semaine passée, j’ai compris que manier le sabre était une nécessité pour, d’une part, m’intégrer à l’équipage et, d’autre part, m’assurer une espérance de vie un peu plus optimiste. La rédaction du journal de bord apporte quelques avantages : outre les regards respectueux des matelots qui, pour la plupart, sont incapables d’en déchiffrer un traître mot sans même avoir besoin d’utiliser le moindre cryptage, elle offre la possibilité d’entrevues ponctuelles avec le capitaine et ses invités de marque. Jambe-de-Zyrkon n’est pas rassuré. Apparemment, le vaisseau que nous avons fait sombrer corps et biens véhiculait un Akashan. Etait-ce un renégat ou une manoeuvre politique dont nous fûmes les pions ? Le corsaire perd une partie de son libre arbitre et doit parfois jouer sans connaître ses propres cartes. »
    […]
  • « Gadier, 4 4999 – Hier, l’équipage a fêté le retour d’un des leurs, un ancien pirate du nom de Suveno, qui avait été affecté à un autre navire de la flotte du Rorqual peu avant mon arrivée. Son attitude martiale s’est peu à peu dissipée au cours de la soirée et des bouteilles de rhum. Une apparente, par manque de données objectives pour l’établir clairement, loi de la marine tendrait à déterminer une courbe ascendante de chaleur humaine proportionnelle à la quantité d’alcool consommée. Je fais, à présent, partie intégrante, et intégrée, de la Mandale. J’en veux pour preuve cette fin de nuit à défier le hasard et provoquer la chance par cartes et dés, en compagnie d’Irad Greyhall, Edward Sparkling et du bien nommé « La Mouette ». Je fus le seul à y perdre ma solde, mais cette dernière étape fut aussi logique que nécessaire. »
    […]
  • « Magi, 8 5000 DSS – Voilà plus d’un an que je vis à bord, et dix jours que nous mouillons dans cette crique isolée de la Mer des Passeurs, aussi immobiles qu’une cheminée de la plaine d’Augé, complètement coupés du monde extérieur. Le capitaine a préféré une retraite libre à une éventuelle quarantaine officielle décrétée par les autorités. Le risque de contagion alimente la plupart des conversations. S’il n’était protégé par la parole donnée par Jambe-de-Zyrkon à son père, le jeune Malajin, recruté lors de notre récente escale à Acoste, aurait déjà été jeté en patûre aux requins. Velasquez le veille jour et nuit, ne s’autorisant que quelques visites au sein de l’équipage, pour s’assurer qu’aucun de nous n’ait contracté la maladie. Sylvain Dénéval organise des expéditions dans la forêt avoisinante, tant pour distraire nos compagnons que pour trouver quelques viande et végétaux comestibles. »
    […]
  • « Gadier, 13 5000 DSS – La rumeur courait depuis quelques jours, et s’est confirmée aujourd’hui lorsqu’une frégate impériale a tenté de nous arraisonner : la Mandale et son équipage sont à présent considérés comme des hors-la-loi. Le capitaine est peu porté sur la marine marchande, mais il lui arrive de faire des exceptions en temps de disette. Il le regrette amèrement : la cargaison de vin que nous avons livrée à la Presqu’île Mécanique s’est avérée dangereusement frelatée, et notre tête est mise-à-prix pour « haute trahison par tentative d’empoisonnement ». Le protocole a pourtant été respecté. Jambe-de-Zyrkon soupçonne le marchand, et a juré sur l’honneur des Verez de le lui faire payer un jour ou l’autre. »
    […]
  • « Simbre, 6 5000 DSS – La rivalité entre corsaires prend parfois des proportions inquiétantes. Certains capitaines n’hésitent pas à jeter le discrédit sur leurs camarades pour s’attirer les bonnes grâces des puissants. La Serpe Mauve, un bâtiment dirigé par le Commandeur Milan – un Sythère – nous a attaqué. Malheureusement pour lui, nous étions plus que prêts. Forts de quelques actions d’éclat et de camarades valeureux comme Jack Saline, qui a impitoyablement mené un contre-abordage audacieux, nous avons renversé la situation.
    Tandis que se consumait déjà la mêche des tonneaux de poudre dont l’explosion allait envoyer par le fond le navire des agresseurs, un homme inconscient fut amené sur la Mandale : il n’était autre que Killick Pullings, le marchand qui avait négocié la cargaison qui nous valait tant d’ennuis aujourd’hui. Le capitaine voulut l’exécuter sans plus d’ambages, mais céda au désir de l’équipage qui voulait le passer par la planche. Ce n’est qu’au dernier moment que le marchand reconnut parmi nous Mozer, notre alchimiste qu’il avait rencontré à plusieurs reprises auprès du Commandeur Milan, entouré d’une poignée de filles à la vertu aussi ténue que l’empathie d’un Kaldt, dans les tavernes d’Acoste.
    L’équipage avait été trahi par l’un des siens, ce que confirma sans hésitation l’hôte de marque de la Serpe Mauve, un Répurgateur du nom de John Blackwell. Il a dû insister et, finalement, menacer le Commandeur pour qu’il nous donne la chasse, mais le décret officiel de prime sur la Mandale stipulait expressément que Mozer devait être épargné. Killick eut alors le choix entre « poisson » et « pirate », et intégra l’équipage. Blackwell nous réhabilita directement mais décréta dans la foulée que ses prérogatives lui permettaient de réquisitionner tout navire corsaire pour le bien de sa mission. »
    […]
  • « Macre, 17 5001 DSS – La Mandale est en deuil : plus d’un tiers de l’équipage a péri ce matin. Personne n’aurait pu repérer les Saqwalls avant qu’ils n’envahissent le pont. Tout était calme et rien ne laissait présager une telle menace en pareil endroit. Nous remontons actuellement la Mer des Pirates, le long de la Forêt de Sang, en direction de la Mer Grise. Nous avons convenablement négocié notre passage entre Los Lobo et Losbaar grâce, principalement, aux bonnes relations que Jambe-de-Zyrkon s’est préservé parmi les pirates et disposons de tous les laisser-passer impériaux nécessaires pour poursuivre notre route.
    Les créatures étaient nombreuses, féroces et avaient l’avantage d’une surprise sans précédent pour l’équipage. Je ne sais toujours pas comment nous sommes parvenus à les repousser mais le temps de l’analyse viendra après celui de la veille auprès des dépouilles de nos frères disparus. Le climat est plus que maussade : il fait froid et humide, comme le soir de mon arrivée, si ce n’est qu’une étrange houle émerge des profondeurs de l’océan. C’est à croire que la nuit n’a pas de coeur … »
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